Paradoxe et confusion
en milieu productif
Je vous propose ici une petite pause avant de poursuivre la série d’articles sur le SMED…
Connaissez-vous le French Paradox ?
Avez-vous déjà entendu parler du fameux “French Paradox” ?
Enfin fameux … surtout chez nos copains anglo-saxons !
Petit rappel. Le terme de paradoxe français est apparu dans les années 80, lorsque certaines études ont montré que les Frenchies du sud de la France avaient “ … des risques statistiques de maladie cardio-vasculaire 3,5 fois inférieurs aux Américains … en dépit d’une consommation équivalente de graisses saturées (mauvais cholestérol) ”.
Pour en savoir un peu plus, je vous invite à parcourir la page Wikipédia .
C’est paradoxal !
He bien figurez-vous que je rencontre tous les jours une situation similaire dans nos PME !!!
De quoi parle-t-on ?
Parfois, on dit qu’une image vaut 1000 mots. En voici une illustration parfaite. C’est une petite image que j’ai trouvée sur Twitter il y a quelques années.
Je l’utilise bien souvent en intervention pour appuyer mes propos auprès de la chaine managériale.
Alors, ne la trouvez-vous pas parlante cette petite image ?
Bien sûr, comme beaucoup de managers à qui je la montre, vous me direz que j’exagère, que c’est une caricature…
Exemple de terrain
Il y a encore quelques mois, j’intervenais au sein d’une PME produisant des articles utilisés par la grande distribution.
Les séries étaient courtes; maximum quelques heures.
Avec le responsable de production, nous avions installé deux tableaux :
- un plan de charge glissant sur un horizon de 6 semaines
- un planning glissant sur deux semaines
Chaque commande client était représentée par une petite étiquette donnant quelques informations primordiales, dont le temps d’exécution.
Au fil de mois/années, les tableaux se sont remplis, remplis, remplis…
C’était plutôt une bonne chose…
Toutefois, le dirigeant et moi constations régulièrement des problèmes récurrents. Et ceux-ci n’étaient jamais résolus, car vous comprenez…
… ON N’A PAS LE TEMPS !!!
Bref en un mot comme en cent, ils produisaient, mais ne s’arrêtaient jamais (hors maintenance… et encore) pour prendre du recul et essayer d’améliorer la situation.
J’ai alors pris un petit Post-it rose flashy sur lequel j’ai écrit “Kaizen – 4H”.
J’ai ensuite demandé au responsable de production de placer ce Post-it là où il y avait de la place et de réserver ce temps (de non-production) à étudier et résoudre un problème qui revenait régulièrement.
Une fois l’action faite, il devait replacer ce Post-it sur son tableau pour le mois suivant…
Pour argumenter, je leur ai dit :
Messieurs, cet OF de “Kaizen” représente une immobilisation de 4 h/mois sur un poste de production.
Sur une année civile, cela fait quarante-huit heures.
Trouvez-vous que réserver 48 h / an pour effectuer de la résolution de problème soit un gros challenge ?
Ils m’ont répondu en cœur :
Tu plaisantes?! Ce n’est rien et c’est même ridicule.
Si une entreprise ne peut même pas prendre 48 h/an pour faire de la résolution de problème, elle va au-devant de gros problèmes !!!
Croyez-moi, j’ai insisté… et ils m’ont presque ri au nez.
He bien cela n’a pas loupé. Ils ont fait un chantier d’amélioration une fois pour le mois en cours …
… et n’en ont plus jamais fait ensuite !!!
Quel est le constat ?
En fait, le constat est assez simple.
Leur quotidien les phagocyte !
On peut dire qu’ils ont …
…“la tête dans le guidon”
L’entreprise tourne en permanence en mode …
… POMPIER !
Avertissement : Si vous êtes chaste, adepte du politiquement correct ou se réclamant de ce soit-disant néo-féminisme intransigeant et sans humour ou encore, n’aimant ni les blagues potaches, sexistes, ni un certain sens de la provocation…
Ne passez pas votre souris sur l’image du
petit pompier et continuez votre lecture !
Une illustration
Matt Roussel
Et ça donne quoi, le mode pompier, sur le terrain ?
En mode pompier, on court tout le temps pour éteindre le feu …
… feu qui, soit dit en passant, se rallumera le lendemain …
… toujours pour les mêmes raisons !!!
Si vous continuez à faire ce que vous avez toujours fait, vous continuerez à obtenir ce que vous avez toujours obtenu
Quelles sont les causes principales du mode pompier ?
J’en vois deux :
La première vient, je pense, d’une confusion entre les deux notions que sont …
… l’URGENT et l’IMPORTANT
La seconde est pour moi relative à …
… l’égo du responsable de production
Confusion entre l'urgent et l'important
Cette confusion est très commune au sein de nos entreprises, que celles-ci soient petites ou grandes.
Et personne n’y échappe, même en étant conscient de cet état de fait.
Le “tête dans le guidon” …
… notre quotidien nous focalise sur l’urgent
aux dépens de l’important !!!
L’exemple le plus classique est le fait de repousser indéfiniment la maintenance d’une machine sous prétexte qu’il y a des commandes “à sortir” et que la bécane ne peut être arrêtée.
Voyez-vous un chauffeur de taxi ne pas passer de temps à entretenir sa voiture (vidange, réparations, nettoyage) au prétexte qu’il a des courses et des clients qui l’attendent ? NON bien sûr !
Dans ce dernier cas, la raison est simple. Il ne peut pas se permettre de confondre l’urgent et l’important, car …
… sa voiture est son “gagne-pain” !
Malheureusement, cette notion de gagne-pain est complètement diluée dans une entreprise, car tout le monde a intégré qu’à la fin du mois, que l’entreprise ait gagné ou perdu de l’argent, le salaire tombe.
Et croyez-moi pour l’avoir vécue, c’est aussi vrai dans une SCOP où chaque employé détient un peu de capital de sa boite.
Dès lors, le management et en premier lieu le responsable de production, peut en oublier l’essentiel.
Un bon outil pour aider à faire la part de choses et ne plus confondre l’urgent et l’important est la matrice Eisenhower.
Ce petit outil simple et bien pratique fera l’objet d’un prochain article sur ce blog.
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Deuxième cause, l'égo du responsable de production
Dans ce cas, il s’agit d’un biais psychologique.
Ici, le responsable de production agit comme l’un des acteurs du triangle de Karpman, à savoir :
Le sauveur
À ses yeux, de façon plus ou moins consciente, l’entreprise est la victime d’incendies qu’il lui faut éteindre.
Alors, inlassablement, jour après en jour, il court de « feu en feu” pour les éteindre.
Et plus il éteint de feux et plus il est satisfait le soir en rentrant chez lui.
Il se voit en “sauveur”, il se sent important, voire, suprême délice, indispensable !
Vous l’aurez compris, en éteignant un feu, il pallie à un problème, mais ne le résout jamais. Il reste dans l’action immédiate (l’urgence), mais ne prendra jamais le temps de prévoir un chantier de progrès (l’important) sur le sujet, afin que ce problème ne revienne plus.
De sorte, le problème ressurgira un jour ou l’autre, le feu reprendra …
Avec le temps, au mieux il ne se passe rien, il continue toute sa vie professionnelle à être un pompier, mais ne dépassera jamais ce stade hiérarchique, au pire il s’épuise et finit par faire un burn-out dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques pour lui-même … rarement pour l’entreprise.
Néanmoins, la pire des situations est lorsque l’ensemble de la chaine managériale baigne dans la confusion urgent/important et qu’elle partage aussi le mode de fonctionnement “pompier”.
À moyen terme, l’entreprise n’y survit guère !