Le Flux tiré
Mais au fait, c'est quoi un flux tiré ?
Lorsque vous essayez, comme moi, d’être un “diffuseur de Lean” au sein d’une entreprise, vous êtes amené à parler de plus en plus souvent de flux et particulièrement de flux tiré.
Aussi, le boss ou responsable d’atelier qui vient me voir et me demande un peu penaud :
“Mais au fait, Eric, c’est quoi un flux tiré ?”
… alors que cela fait des mois que vous en parlez … cela ressemble à la question qui tue !
Pourquoi !? Parce que votre premier réflexe est de dire : “P….., il n’a rien compris”
Or vous savez ce qu’on dit : “Si l’élève n’a pas appris, c’est que le maître n’a pas enseigné”
En gros, s’il n’a toujours pas compris ce dont nous parlons depuis des mois … c’est que je suis un “gros nullos” pour expliquer et transmettre, que je peux me rhabiller et rentrer chez moi noyer mon chagrin dans l’alcool !
Que nenni !!! Il n'en est rien !
Bien au contraire !
C’est une grande victoire !
Et non, je n’ai pas “fumé la moquette” … 😉
Pourquoi est-ce une grande victoire ?
Tout simplement parce que cette personne emprunte vraiment la voie du Lean en se posant la bonne question.
En effet, il est possible de parler pendant des heures du flux tiré. Il est aussi possible de le mettre en œuvre. Il est même possible de le voir … sans toutefois …
… avoir compris ce que signifiait vraiment un flux tiré !
Alors ... c'est quoi un vrai flux tiré ?
Beaucoup de personnes font la confusion entre “travail à la commande”, Kanban et flux tiré.
En effet, nombre de PME travaillent à la commande et me disent : “Si je n’ai pas de commande, je ne produis pas. Nous sommes donc bien en flux tiré … puisque c’est le client qui “tire” en passant commande”.
Ce n’est effectivement pas complètement faux. Pourtant, cela ne suffit pas!
Prenons l’exemple d’un client qui passe une commande annuelle de 12 000 pièces avec un appel à livraison de 1000 tous les mois. Si l’entreprise produit 1000 pièces par mois et si un mois le client ne prend pas de pièces, il y a 99 chances sur 100 que l’OF du mois suivant soit quand même lancé … et vienne grossir le Stock.
J’en mets ma main au feu !
C’est donc du flux poussé.
Cela s’appelle de la Surproduction .
En cela, la présence de commandes ne suffit pas pour être en flux tiré.
D’autres boîtes me disent : “Nous avons mis en place un Kanban pour la production de telle pièce. Nous sommes donc bien en flux tiré … puisque le Kanban est, par excellence, l’outil du flux tiré”.
Là encore, ce n’est effectivement pas complètement faux. Pourtant, cela ne suffit toujours pas!
En effet, j’ai déjà vu des chefs d’atelier dire à leurs gars, momentanément inoccupés, de produire une caisse de pièces en avance “comme ça, lorsque la carte Kanban reviendra, il suffira de la mettre directement sur la caisse, les pièces seront déjà faites”.
Cela s’appelle aussi faire de la Surproduction et pire, c’est un non respect du standard de fonctionnement que représente le Kanban.
Le Kanban est un outil facilitant la mise en œuvre d’un flux tiré. Mais si “l’esprit du flux tiré” n’est pas compris dans l’entreprise, il ne garantira rien du tout.
Un vrai flux tiré (sous-entendu, tiré par la demande) est …
… un flux qui “sait s’arrêter”…
… lorsque la demande s’arrête de tirer !
Et c'est tout !!! ?
Oui, c’est tout.
Mais c’est le plus important !!!
En effet, peu de personnes ont réellement intégré cet aspect-là.
Croyez-moi, il est vraiment très difficile pour un patron ou un responsable d’atelier de se retenir afin de ne pas “occuper” ses gars à prendre de l’avance lorsqu’ils ont un “temps mort” (le temps mort étant souvent le résultat du Muri ou du Mura).
Or ce faisant, l’entreprise continue à faire de la Surproduction … et la surproduction, n’est autre que le pire des Mudas (Gaspillages), puisqu’il induit tous les autres.
Ne pas savoir s’arrêter, c’est continuer à alimenter le cercle vicieux qui plombe la performance des entreprises.
Savoir s’arrêter de produire est … fondamental !!!
S'arrêter ? OK, mais pour faire quoi ?
C’est souvent la question qui vient ensuite.
Ma réponse est invariable.
Occupons plutôt les gars avec des actions qui participent à améliorer la performance de l’entreprise.
Faisons leur faire :
- Du 5S sur leur poste : nettoyage ou rangement et +, que l’on reporte toujours à plus tard
- Du Kaizen sur leur poste : un petit support à mettre en place, tester une autre façon de faire, essayer de résoudre ce problème irritant au quotidien et dont on ne s’occupe jamais, …
- La mise à jour des standards : même si pour cela il se fait aider du régleur ou des gars des méthodes. Cela a le mérite de faire communiquer et travailler les personnes en équipe. Cela permet aussi d’informer les personnes sollicitées
- De l’observation de postes voisins : Apprendre à voir les Mudas, mais aussi Muri et Mura est très important, notamment pour les gars de terrain (et leurs managers directs) car, n’oublions pas, ce sont eux qui apportent la valeur ajoutée au produit et ce sont aussi eux qui sont experts de leur poste…
Vous voyez, il y en a des choses à faire pour soutenir l’amélioration de la performance globale de l’entreprise.
Et ça, c’est …